Ils assombrissent le ciel en s’éparpillant par grappes immenses au-dessus des vignes et coupent le courant. Depuis quelques jours, des milliers d’étourneaux fuyant le froid plus au nord sèment la pagaille dans plusieurs communes à l’est de Cognac, grosso modo une zone s’étirant de Chassors à Segonzac.
Les abonnés sont quotidiennement victimes de microcoupures d’électricité. Le phénomène a débuté après Noël, se limitant au début à une ou deux coupures très furtives par jour pour grimper ces derniers jours à plus de dix, comme ce fut le cas hier.
"On a déjà deux victimes, un frigo et un ordinateur", grimace Jérôme Sourisseau, le maire de Bourg-Charente, sans doute la commune la plus touchée par ces coupures de courant inopinées qui, en plus de remettre toutes vos horloges à zéro, peuvent endommager les appareils équipés d’électronique: électroménager, chaudières, box internet, terminaux de paiement, etc.
"On reçoit de très nombreux coups de fil de gens inquiets et passablement énervés ces derniers jours qui ont du mal à comprendre ce qui se passe", témoignent les employées de la municipalité de Bourg-Charente qui ont compté plus de dix microcoupures hier.
Dans le village, quelques minutes au comptoir la Maison du Passeur, le bar épicerie, permettent de mesurer l’agacement. "Nos clients se plaignent, certains débranchent tous les appareils sensibles en partant le matin", expliquent Sébastien et Magalie Valteau, les patrons, eux-mêmes "préoccupés" par la multiplication des coupures.
"Le terminal de la Française des jeux se met en carafe et à chaque fois, il faut tout relancer." Sébastien a appelé Enedis (anciennement ERDF) hier matin. "On m’a dit que c’était la faute des étourneaux pour les microcoupures et des interventions ponctuelles pour les coupures plus longues."
Du côté d’Enedis, le gestionnaire du réseau, on confirme. "Depuis le début de l’année, plusieurs communes sont touchées par un phénomène saisonnier, le passage des étourneaux. Les oiseaux se posent régulièrement sur les fils électriques et quand ils s’envolent, ça crée un effet de balancier, les fils se touchent et ça provoque des microcoupures", détaille Dominique Roger-Charteau, adjointe du directeur territorial d’Enedis. Elle ajoute qu’il est "très difficile d’agir" (lire ci-contre).
À Chassors, le maire a même obtenu de la part d’Enedis la pose d’appareils pour mesurer la réalité de ces microcoupures chez des habitants excédés par ces désagréments. "Ce n’est pas la première année que ça se produit. Je veux bien croire que ce sont les étourneaux, mais c’est un problème récurant. On avait déjà posé des appareils en 2014. C’est bien, on constate mais après…?", questionne Patrick Lafarge, le maire.
Effectivement, difficile de trouver des solutions, d’autant que les volatiles semblent se repaître des résidus de raisins qui traînent entre les rangs de vigne. "Ils sont continuellement sur la vigne, ils bouffent ce qui traîne. Quand il n’y aura plus rien, ils s’en iront", explique un viticulteur croisé sur la route entre Segonzac et Saint-Même-les-Carrières qui ne veut pas donner son nom mais avoue que des fusils ont claqué dimanche. "Ça les fait fuir dix minutes, mais ils reviennent."
À Mainxe, la distillerie Gélinaud a laissé tourner son groupe électrogène toute la journée d’hier. "Avec l’accentuation des coupures, ça permet d’éviter d’avoir à tout relancer. Nos systèmes électroniques sont eux protégés par un onduleur, heureusement", souligne Grégoire Lucas, le responsable.
Bernard Pissot, le maire, acquiesce. "Ça rouspète beaucoup dans la commune et ça cause des dégâts parfois importants quand la télé ou la machine à laver tombent en panne."
«On étudie la pose de spirales»
Dans certaines villes où la présence des étourneaux est une réelle nuisance à la fois pour le bruit et leurs fientes malodorantes et acides qui abîment les carrosseries des voitures, la lutte contre leur invasion est carrément devenue une priorité. À Saintes, on lutte contre les étourneaux depuis vingt ans.
La municipalité a tenté les pétards et même la diffusion de CD reproduisant des cris de détresse d’étourneaux. Les oiseaux, essentiellement présents de novembre à février, sont toujours là. À Bordeaux dernièrement, ces migrateurs ont été chassés à l’aide de pétards tirés au pistolet.
À Rochefort, on a recours à une bande sonore qui reproduit le son d’un geai – prédateur des étourneaux – en mode attaque. «À la campagne, c’est plus difficile. On étudie la pose de spirales permettant d’éviter que les fils se touchent quand les étourneaux s’envolent. Encore fautil identifier les endroits où ils se posent le plus», indique Dominique Roger- Charteau, adjointe du directeur territorial d’Enedis.
L’autre option consiste à enterrer les réseaux, ce qui coûte très cher.
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